Alexis ou le traité du vain combat, c’est tout simplement le premier roman de langue française à fonctionner comme un coming out. C’est une longue lettre, écrite par Alexis, un jeune musicien de vingt quatre ans à sa femme Monique. Malgré l’affection qu’il a pour elle, malgré l’enfant qu’ils viennent d’avoir ensemble, il ne peut plus lutter. Il a besoin de reprendre sa liberté et de vivre son homosexualité. En mettant fin au mensonge, Alexis se donne une deuxième chance. Mais que de temps perdu et de souffrances inutiles. Il a gâché la vie de Monique, et pourtant il voudrait tant qu’elle comprenne et qu’elle lui pardonne le mal qu’il lui fait.

C’est vrai, ce roman n’est pas le meilleur de Marguerite Yourcenar. Alexis, œuvre de jeunesse, ne vaut pas Les mémoires d’Hadrien ou L’œuvre au noir. Mais la difficulté de s’accepter est dépeinte avec une justesse qui n’a pas vieilli depuis 1929. Ce que décrit Yourcenar, c’est le cheminement par lequel chacun est passé, à sa manière, pour devenir ce que l’on est. Comme le disait Marguerite Yourcenar elle-même plusieurs dizaines d’années après la première édition de son livre : « il semble en effet que le problème intime d’Alexis ne soit guère aujourd’hui moins angoissant ou moins secret qu’autrefois [...]. La facilité relative n’est pas la liberté véritable ».

Le sous-titre dit l’essentiel. Se battre contre une orientation sexuelle qui s’impose à vous comme une évidence est un combat voué à l’échec. L’acceptation de soi n’est pas un échec, au contraire. Jean d’Ormesson dit d’Alexis : « Ce serait une terrible erreur de croire qu’il se laisse aller, qu’il baisse les bras, qu’il s’abandonne. Hors de l’opinion commune, et peut-être même de la sienne propre, [...] il se conquiert plutôt lui-même, au terme d’un long combat et d’une lutte épuisante, il se découvre et il s’assume. »

C’est en lisant ce livre il y a quelques années que j’ai commencé à comprendre que ne pas s’accepter était une voie sans issue.